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Or, succédant à l'apparition du film Kodachrome en 1936 et après le black out de la guerre, la période qu'on appelée "les trente glorieuses" a vu de nombreuses avancées technologiques mises à la portée des photographes avides de nouveaux moyens de création.
Mon propos est de relever les démarches, souvent méconnues bien que novatrices, de ceux qui, les premiers, ont su tirer le meilleur des nouvelles possibilités offertes dans le domaine de la photographie en couleurs.
Nul ne saurait dire qui a été le premier à placer par mégarde deux diapositives dans la même glissière d'un projecteur. Je me rappelle avoir jugé un concours de diapositives où c'est ce qui s'était malencontreusement produit. Mes deux collègues ont immédiatement mis une note infamante à l'image qui apparaissait à l'écran.
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Nul ne pourrait dire non plus qui a été le premier à appuyer deux fois sur le déclencheur sans faire avancer le film dans l'appareil photographique. Là aussi, le résultat peut être heureux ou malheureux selon la chance ou le talent.
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Très ancienne aussi est la technique du "bas-relief" ou paraglyphe consistant à placer l'un sur l'autre une diapositive et son négatif. Elle permet d'obtenir, surtout en couleurs, des effets de nuit assez saisissants.
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© Robert ROUTH |
Plus sophistiquée est la technique des équidensités ou séparations de tons couleur, utilisant un film très contrasté appelé film trait ou film lith.
En 1969 lorsque j'ai mis au point cette technique avec l'aide d'Hervé Berthoule, seuls quelques photographes dans le monde la maîtrisaient déjà: Wellington Lee aux USA, Jan Weborg en Suède, Gerhard Koenig, Gerhard Mikulaschek et Otto Girnus en Allemagne. Roel Roelofsen, en Afrique du Sud, employait, je crois, une technique un peu différente pour une esthétique un peu différente.
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© Wellington LEE |
© Jan WEBORG |
© Gerhard MIKULASCHEK |
L'effet Sabatier, appelé improprement solarisation, qui consiste à exposer brièvement à la lumière le film à un certain moment de son développement, a mobilisé beaucoup d'énergies et de talents. Je ne citerai pour mémoire que Mikael Roll et Ed. Wrench, mais je crois que les images les plus abouties ont pour auteur Alex Kovaleff.
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© Alex KOVALEFF |
En 1968, l'accessibilité au domaine civil du film couleur infra rouge "Infrared Aero", créé pour l'espionnage aérien, a également permis l'émergence d'images souvent poétiques, à condition de choisir judicieusement la couleur des filtres nécessités par ce genre de prise de vue.
Dans cette même période 1950-1970, d'autres recherches personnelles ont donné naissance à des images poétiques. Celles de Italo Di Fabio par exemple dont les techniques sophistiquées de duplication permettaient de sélectionner dans une image les couleurs à magnifier pour créer une ambiance particulière.
PASCOLO No 5 © Italo DI FABIO
Bien d'autres recherches ont été menées dans cette période particulièrement féconde. Je n'ai voulu citer ici que celles donnant lieu à une transformation significative du réalisme photographique par une approche personnelle du sujet tout en garantissant à l'auteur une totale liberté dans ses choix. J'ai toutefois négligé l'usage des filtres dont la diversité pléthorique a souvent amené à des abus regrettables; mais parfois au contraire à de belles réussites lorsque l'auteur arrivait à en dépasser ou à en détourner la fonction première. Je citerai deux exemples:
- La démarche de David Hamilton dont il faut bien voir que la créativité se situe prioritairement dans le choix et le conditionnement de ses modèles, et non dans le choix de tel ou tel filtre de flou.
- Dans l'image ci-dessous, Guy Samoyault a utilisé le filtre "super speed" non pour un effet de vitesse, mais plutôt de lévitation.
HONFLEUR. © Guy SAMOYAULT
Ce rapide tour d'horizon des recherches
effectuées au cours du troisième quart du XXème
siècle dans le domaine de la photographie en couleurs ne
prétend nullement à l'exhaustivité, non plus
d'ailleurs qu'à l'objectivité dans la mesure où
l'intérêt que je porte à ces démarches est
largement conditionné par mes propres recherches,
toutefois...
A l'heure où l'ordinateur autorise
toutes les audaces, il m'a paru utile de lever, ne serait-ce que
partiellement, le voile qui occulte encore trop largement une part
importante de la photographie créative de cette
dernière moitié du XXème siècle dont
l'histoire reste à écrire.